Atelier "reconnaissance et discriminations raciales" - Lundi 26 mai 2008

Présentation


Le Laboratoire Sophiapol a fait de la question de la reconnaissance son axe de recherches principal. Or la question des discriminations raciales constitue sans doute l'un des objets critiques les plus délicats pour la problématique de la reconnaissance. Que s'agit-il en effet de reconnaître dans le cas des discriminations raciales ? La reconnaissance peut-elle dans ces cas -là adresser les processus de discrimination sans réitérer dans un mouvement contraire mais symétrique la réification en quoi consistent justement ces processus ? La réfutation de l'anthropologie biologique sur la base de laquelle le paradigme moderne de la race et du racisme s'est constitué au XIXème siècle, n'a pas permis en effet de faire reculer le discours du racisme. De ce point de vue, le défi contemporain semble bien être de parvenir à penser « le racisme après les races » . L'enjeu de cette journée sera de déterminer si les théories philosophiques de la reconnaissance sont à même de le relever.
C'est à la fin de la dernière décennie que les discriminations à caractère racial sont devenues un thème et un objet du discours et de l'action publics. La reconnaissance de ces discriminations a été tardive. La recherche d'un consensus républicain autour d'un projet d'intégration des immigrés semble avoir pendant longtemps retardé la reconnaissance du phénomène. A cet égard, le rapport du Haut Conseil à l'intégration sur les discriminations, en 1998, a sans doute marqué une rupture dans le discours des institutions officielles. La question de l'intégration, jusqu'alors pensée et évaluée en référence au critère de la nationalité, s'est vue reposée à partir du problème des discriminations, ce qui a permis la reconnaissance du caractère racial de certaines inégalités spécifiques. Les problématiques du racisme et de l'inégalité ont trouvé un point d'articulation, dont témoigne la reconfiguration des politiques de lutte contre l'inégalité sur le plan de l'action publique. La place désormais accordée aux discriminations raciales dans les discours témoigne ainsi d'une certaine banalisation du référentiel racial. Au-delà des discours officiels d'ailleurs, la question raciale a surgi en de nombreux lieux de l'espace social : il suffit pour cela de penser à certaines lectures racialistes des émeutes urbaines de 2005 ou encore aux débats très actuels et épineux consacrés à la question des statistiques « ethniques ». Question sociale et question raciale se réarticulent selon des modalités qui sont désormais au cœur de programmes de recherches dans le domaine universitaire, en sciences sociales.
L'objectif de cette journée est d'aborder la question des discriminations raciales depuis la perspective du paradigme philosophique de la reconnaissance. L'enjeu de cette journée sera notamment de faire ressortir les limites et difficultés de ce paradigme telles que cette question est susceptible de les faire émerger mais aussi de dégager les pistes plus constructives d'une réélaboration possible du cadre théorique de la reconnaissance. Le but de cette journée est de donner lieu à une rencontre et à une discussion entre chercheurs en philosophie, en histoire et sciences sociales, en sciences politiques et juridiques autour de la question des discriminations raciales, rencontre et discussion qui seront structurées selon trois grandes orientations.  Il s'agira de s'interroger sur les problèmes d'ordre épistémologique associés à la reconnaissance des discriminations raciales dans le cadre de programmes de recherches mis en œuvre sur la question dans le domaine sociologique (1).  On pourra ainsi s'appuyer sur l'apport de ces recherches sociologiques pour revisiter et initier une réexploration du cadre théorique des philosophies de la reconnaissance et faire un tour d'horizon des difficultés qu'elles rencontrent lorsqu'il s'agit de penser le statut des discriminations raciales (2). Enfin, il importera aussi de mettra en œuvre une réflexion sur les politiques de lutte contre les discriminations raciales : quelles politiques de reconnaissance efficaces peut-on concevoir face aux problèmes posés par ce type de discrimination ? (3)

Programme


  • Matin - Présidence de Ch. Lazzeri (Sophiapol) - de 9h30 à 12h30:
Didier Fassin (Iris, EHESS-Université Paris 13)
"Qu'est-ce que reconnaître des discriminations raciales ?"

Sarah Mazouz (Iris, EHESS)
"La qualification raciale, problèmes épistémologiques et moraux pour la recherche en sciences sociales sur les discriminations raciales"

Elsa Dorlin (Paris I)
"Peut-on reconnaître la race?"
 
  • Après-midi - Présidence de Ch. Lazzeri (Sophiapol) - de 14h à 17h:
Patrick Simon (Ined)
"Les statistiques comme politique de reconnaissance : rendre visible ou occulter la "race" dans les divisions du monde social"

Stéphane Dufoix (Université Paris Nanterre-Membre de l'IUF)
"Un nom à soi. L'auto-définition noire/africaine comme "diaspora"

Magali Bessone (Rennes I)
"identités raciales, identité politique"

Daniel Sabbagh (CERI/IEP Paris)
"Discrimination positive et multiculturalisme: genèse et limites de l'idéologie de la "diversité" aux États-Unis"

Lieu



Bât. K, salle 202 (Campus de l'Université Paris Nanterre - RER A/Nanterre Université)

Organisation


Marie Garrau (Sophiapol)
Alice Le Goff (Sophiapol)
avec la collaboration de Sarah Mazouz (Iris, EHESS)

Mis à jour le 22 mai 2017