Pour une épistémologie du capitalisme - Séminaire d'équipe SOPHIAPOL 2010-2011





Après une période marquée par l'intégration des problématiques relevant de la culture et de l'identité, de nombreux représentants de la théorie sociale contemporaine - qu'elle relève des sciences sociales à proprement parler ou de la philosophie sociale et politique - semblent vouloir retrouver la voie d'une réflexion plus spécifiquement économique, voie que le déclin du marxisme encourageait à délaisser, au moins à relativiser. Sans même insister sur les effets de la crise actuelle issue des désordres de la financiarisation, on peut affirmer que le rôle historique majeur joué par le projet néolibéral depuis trente ans, l'ampleur et la vitesse des transformations dans les rapports de force commerciaux à l'échelle internationale, la massivité des inégalités de revenus et de conditions de vie entre régions du monde, l'impact humain des conditions de travail, etc., constituent autant de phénomènes auxquels il semble de plus en plus difficile de ne pas faire une place importante lorsque, en sociologues ou en philosophes, nous nous essayons à faire tenir ensemble quelques idées pas trop superficielles sur le sens de notre présent  et de notre avenir historiques.

 Une telle évolution pose cependant un certain nombre de problèmes conceptuels. Ce sont eux que nous voudrions voir évoqués dans le séminaire de l'année qui vient. On peut en isoler quelques uns.

 

  • La notion de « capitalisme », qui s'impose immédiatement à l'esprit dans un tel contexte, semble aussi indispensable que large, voire vague. Les tentatives de caractérisation qui ont ponctué l'histoire des sciences sociales, de Marx à Braudel, et au-delà, en passant par Weber, restent évidemment précieuses. En quoi l'expérience contemporaine permet-elle d'enrichir ou d'infléchir (dans un sens résolument pluraliste, par exemple) notre compréhension de cette catégorie et de ses usages ? Quelles révisions cette expérience appelle-t-il par rapport aux analyses classiques du capitalisme ?
  • Les interprétations du néo-capitalisme ne manquent pas, désormais, et leur approfondissement progressif semble constituer aujourd'hui une des tendances les plus vivantes des sciences économiques et sociales : problématique de la mondialisation et de la dérégulation (Beck, Held) ; sociologie de l'effondrement du compromis kéynésiano-fordiste (Castel, École de la régulation) ; analyse des idéologies et des pratiques néolibérales à l'échelle des politiques économiques nationales (Harvey) ou de l'organisation du travail dans les entreprises (Boltanski) ; capitalisme cognitif et économie de la connaissance (Moulier Boutang) ; critique du néo-impérialisme (Hardt et Negri) ; étude du retour de l'exploitation et intensification de la domination de classe (sociologie et psychologie du travail, Duménil et Lévy)... On souligne, par ailleurs, de plus en plus le rôle des doctrines économiques néolibérales dans la reproduction du capitalisme (Lebaron) et engagé la critique des contradictions du discours économique standard (Lordon, Guerrien). Développés chacun de façon autarcique, ces approches critiques et ces différents paradigmes ne devraient-ils pas être comparés entre eux de façon critique pour pouvoir être évalués ?
  • Par rapport à l'enrichissement considérable du dossier « Capitalisme » dont notre époque est le théâtre, la perspective d'une « critique », voire d'un «dépassement» de ce système peut-elle conserver un sens théoriquement tenable ? Quelles indices ou promesses historiques pourraient alors donner une crédibilité à cette perspective ? Et, le cas échéant, quelles forces (mouvements sociaux ou transformations institutionnelles) apparaissent-elles comme capables de réaliser ces promesses ?

 Ce sont ces questions difficiles mais à nos yeux incontournables que nous voudrions voir abordées par les invités de cette année de séminaire.

Le séminaire est ouvert à tous et peut être validé dans le cadre de la formation doctorale en tant que séminaire thématique en philosophie (EA 39 32) de l'ED 139.


Comité d'organisation et contact :


Stéphane Haber
(Professeur - Univ. Université Paris Nanterre/Sophiapol), Marie Garrau (ATER - Univ. Université Paris Nanterre/Sophiapol) et Christian Lazzeri (Professeur - Univ. Université Paris Nanterre/Sophiapol).
En collaboration avec Alice Le Goff (MCF - Univ. Paris 5/ Chercheuse au GEPECS/EA 3625)

Marie Garrau ou Alice Le Goff


Lieu :

Université Université Paris Nanterre
Bâtiment D, salle 201B (toutes les séances sauf séances du 28 mars et du 23 mai, cf. ci-dessous)
Bâtiment DD, salle 203 (séance du 28 mars 2011)
Bâtiment G, salle 407 (séance du 23 mai 2011)

PROGRAMME 2010-2011

Lundi 8 novembre 2010, 14h-16h : Alain Caillé (Sophiapol /Univ. Université Paris Nanterre)
« Capitalisme, parcellitarisme et démocratie ».
Voir la présentation de cette séance

Lundi 10 janvier 2011, 14h-16h : Bruno Tinel (CES/Univ. Paris 1)
« Les transformations récentes du courant dominant en économie lui  permettent-elles de (mieux?) rendre compte du capitalisme? »

Mardi 15 février 2011, 14h-16h : Frédéric Lordon (CNRS/CESSP-CSE/Univ. Paris 1)
«Autour de l'ouvrage Capitalisme, désir et servitude »

Mardi 1 Mars 2011, 14h-16h : Frédéric Lebaron (Univ. Picardie Jules Vernes / CURAPP-ESS)
« Elites du pouvoir et discours économiques dans le maintien de l'ordre néolibéral »

Lundi 28 Mars 2011, 14h-16h : Christian Laval (Sophiapol)
« Capitalisme, néolibéralisme  et subjectivité »

Lundi 23 mai, de 14h à 16h : La question du capitalisme émotionnel (I)
Michel Feher (Philosophe, co-directeur des éditions Zone Books)
"Crédit, estime de soi, partage: les contours de la condition néolibérale".

Mardi 7 juin, de 14h à 16h : La question du capitalisme émotionnel (II)
Aurélie Jeantet (MCF - Sociologie, Paris III)
"Les émotions au travail : rouage ou « grain de sable » du capitalisme ?"


Voir aussi :


La présentation générale du séminaire

Les programmes du séminaire d'équipe Sophiapol:

- 2011-2012 Les conceptions contemporaines de la domination
- 2009-2010 La construction sociale des identités
- 2008-2009 Identités, conflits, mobilisations
- 2007-2008 Critique sociale et philosophie politique: la question de la précarité



Iconographie: 1. Rassemblement devant la Bourse de Wall Street après le krach de 1929 (source), 2. Quartier d'affaire à Pudong, Shangaï (source)






Mis à jour le 21 septembre 2012