Axe 5 : Culture, valeur, lien social

Présentation


Dénommé « Culture, valeur, lien social », le cinquième axe du Sophiapol, validé en Assemblé générale le 1erjuin 2016, élargit la réflexion du laboratoire aux pratiques et aux objets culturels. Il prend acte du fait qu’une séparation radicale entre les domaines de l’économie, de la politique et des arts est désormais indéfendable, et qu’une analyse solide du monde contemporain doit prendre en charge l’étude des pratiques, des œuvres et des institutions culturelles dans toute leur diversité. La culture est ici prise aussi bien au sens restreint des productions artistiques, qu’en un sens beaucoup plus large, qui ouvre ainsi les recherches du laboratoire à des perspectives de collaboration avec d’autres disciplines (l’ethnographie, l’anthropologie, les différentes pratiques artistiques : littérature, cinéma, arts visuels, danse, spectacle vivant, etc.). Les enjeux sont triples. Il s’agit d’abord de comprendre les effets de valorisation des productions culturelles dans nos sociétés et la manière dont elles peuvent faire lien social à l’échelle individuelle ou en construisant et déconstruisant des collectifs éphémères ou durables de publics. Il s’agit ensuite d’interroger la redéfinition de la notion de travail que les pratiques artistiques, dans leur rapport au temps et à la valeur, occasionnent plus largement. Il s’agit enfin de rendre compte de l’entrecroisement désormais permanent entre expérimentations politiques et artistiques, entre expérimentations publiques et privées, en particulier dans l’invention de registres d’action et d’instruments hybrides qui redéfinissent largement ce que nous nommons "politique".

1. La valorisation des œuvres et des cultures
2. Expérience esthétique et production de valeur
3. Travail, intermittence, précariat
4. La question des pratiques : production, création, performance
5. L’expérimentation : de l’art à la politique ?



Axe 5, sous-axe 1 : La valorisation des œuvres et des cultures


La constitution sociale de la valeur met en jeu la notion de culture. D’une part, la valeur qu’un individu ou une communauté accordent aux choses dépend des déterminations culturelles qui sont les siennes au sens anthropologique du terme. D’autre part, la culture est elle-même l’objet de valorisations multiples. Ces valorisations doivent être comprises au sens axiologique du terme, lorsqu’il s’agit d’interroger les modes de construction sociale des représentations et des idéologies attachées à une culture ou à une contre-culture donnée. Mais elles peuvent également s’entendre en un sens marchand, lorsqu’il est question de comprendre quelles logiques économiques et politiques font entrer les œuvres culturelles dans le circuit des marchandises (en prenant en compte l’industrie culturelle, le marché de l’art et l’intégration toujours plus grande de produits culturels dans la société de consommation).


Axe 5, sous-axe 2 : Expérience esthétique et production de valeur


Les œuvres artistiques et culturelles sont l’objet d’appropriations subjectives qui mettent en œuvre des expériences constitutives du lien social. L’interrogation sur l’expérience esthétique peut être envisagée à partir de la réception des œuvres, à la fois au niveau individuel et collectif. Cette saisie de la réception comprend dès lors la question de la diffusion des œuvres à travers le temps et l’espace, mais aussi celle de la constitution de leurs publics ; elle inclut également la rencontre avec les œuvres et les émotions que cette rencontre implique. Par ailleurs, elle est inséparable d’une prise en compte des institutions, qu’il s’agit d’interroger comme moyens de légitimation des cultures et des œuvres culturelles, mais également comme objets de politiques culturelles déterminées. Il s’agira alors d’analyser les modes d’institutionnalisation de certaines productions culturelles (tant du côté de l’art savant que de l’art populaire, en fonction de politiques publiques à échelle nationale ou internationale) tout comme les processus plus larges de reconnaissance artistique.


Axe 5, sous-axe 3 : Travail, intermittence, précariat


Les pratiques de création et les professions culturelles et artistiques offrent un terrain fécond pour étudier la redéfinition possible de ce que l’on entend aujourd’hui par « travail ». Il s’agit bien entendu d’analyser les différents statuts et régimes des métiers de la culture, et leurs mutations récentes, ainsi que les politiques publiques et privées dont ils font l’objet. Mais il s’agit également, en partant de l’intermittence qui bien souvent caractérise le rythme de l’activité de création « reconnue » comme telle (et qui s’oppose au temps long, complexe, du projet et de la création) de comprendre si, au-delà des seuls travailleurs des arts, le rapport valeur/travail, la forme du salaire et la superposition toujours plus grande entre temps de vie et temps de travail ne sont pas redéfinis de manière essentielle. L’intermittence et la précarité pourraient ainsi être saisies de manière privilégiée à partir de ce segment spécifique ; mais bien plus largement aussi formulées à la hauteur d’une mutation du travail qui concerne notre présent.


Axe 5, sous-axe 4 : La question des pratiques : production, création, performance


La distinction entre production marchande et création artistique est aujourd’hui difficile. Les œuvres d’art sont toujours davantage liées aux circuits de la production industrielle, tant au niveau du processus de leur création qu’au niveau de leur reproduction et de leur distribution : elles sont par ailleurs devenues des marchandises sur un marché spécifique – le marché de l’art – dont il n’est pas dit que la singularité doive être maintenue. A l’inverse, le marché se nourrit toujours plus d’innovation et de création, et mobilise un permanence le registre de la création artiste comme un facteur déterminant de sa propre valorisation. La centralité toujours plus grande de la performance dans le monde de l’art complique ultérieurement la définition de ce que c’est qu’un objet d’art (et l’attribution qui en est classiquement faite à la figure d’un auteur). Que se passe-t-il quand la pratique est elle-même l’objet ? Où est l’artiste quand c’est l’activité d’un logiciel ou l’activité d’un vivant, comme dans le cas du bio-art, qui constitue la pratique artistique ?


Axe 5, sous-axe 5 : L’expérimentation : de l’art à la politique ?


La circulation et les échanges entre les expérimentations artistiques et les expérimentations politiques ont une histoire désormais longue, qui remonte sans doute aux avant-gardes de la fin du XIXe siècle. Qu’en est-il aujourd’hui de la manière dont s’élaborent, du côté des arts, de nouveaux langages, de nouvelles expressions, de nouveaux régimes de visibilité qui sont souvent, par la suite, mobilisés au sein de registres d’action politique inédits ? Et inversement : qu’en est-il de l’investissement culturel et artistique de questions et de problèmes qui traversent le champ politique ? Les modes de monstration, d’occupation de l’espace, de production d’énoncés ou d’images, de narration, de circulation et de sédimentation des expériences se font de plus en plus dans le va-et-vient entre pratiques de création et pratiques politiques : il s’agira d’en tenter la description et l’analyse.

Mis à jour le 01 février 2019