Hubert Tardy-Joubert

 

 

Notre projet de recherche doctorale entend rendre compte de la conception sartrienne de l’individualité en tant que celle-ci est d’après Sartre inséparable d’une interrogation sur la teneur normative du social. C’est la raison pour laquelle il nous apparaît nécessaire de thématiser le rapport de Sartre à Hegel. Au sein d’une philosophie se réclamant du matérialisme historique, il nous semble en effet que, pour dépasser certains des manques de ce matérialisme tenant précisément à cette question de la normativité, Sartre est amené à user d’un appareil conceptuel hégélien qu’il entend  matérialiser, en premier lieu le concept d’Esprit objectif. Ce concept a, d’après nous, ceci de singulier dans l’usage qu’en fait Sartre qu’il lui permet de rassembler l’ensemble des déterminations tenant à la socialisation de l’individualité en son rapport à une normativité sociale instituée. La finalité de notre recherche consisterait donc à mettre au jour la dimension architectonique de cette notion d’Esprit objectif pour la philosophie sociale sartrienne, alors même que son exposition reste sous-déterminée dans le corpus sartrien. Nous aurions ainsi les moyens de rassembler en un ensemble systématique tout ce qui a trait chez Sartre à la compréhension matérialiste de la socialisation dans le rapport complexe que ses thèses entretiennent, au sein même d’un projet de philosophie matérialiste, à la conceptualité hégélienne de la socialisation.
Dans le cadre de cette recherche, nous souhaitons accorder un rôle central aux Manuscrits sur la morale, rédigés par Sartre dans les années 1960. L’enjeu de cette recherche est, à partir de cette problématisation du matérialisme sartrien dans son rapport à Hegel, de tenter de dégager une conceptualité ayant sa place dans les débats qui structurent le champ de la philosophie sociale contemporaine.