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Journée d'étude : De Montaigne à Spinoza, 5 mai 2010, Lire la suite...
[...] A l'appui de cette démarche, il peut s'agir également de travailler autour d'un certain nombre d'axes, tels que :
1/ la relation de l'âme et du corps de l'homme (à rapporter à la notion d'expérience ainsi qu'à une théorie des passions) et plus généralement les conditions de l'homme. Dans les deux cas, au fond, on aborde par un certain biais le thème de l'essence générique de l'homme (ce biais étant le plus souvent caractérisé par une série de déplacements à l'égard des démarches scolastiques et théologiques).
2/ On doit aussi s'attacher à connaître le statut des individus humains chez nos deux auteurs (sous la forme du sujet, du « je », du « moi », ou de l'individu), ce qui introduit au problème de la « conscience » et à celui de « liberté » dans le choix de son existence. Cela nous invite également, avec nos deux auteurs, et l'usage singulier qu'ils font du « je » (dans les Essais et dans le Traité de la réforme de l'entendement en particulier), à travailler sur l'écriture philosophique elle-même.
3/ Il semble très intéressant également, dans notre perspective, d'envisager la question du religieux, celle du théologique, celle du politique et celle de la philosophie relativement à ces trois premières questions. Et de manière plus précise : y a-t-il, entre Montaigne et Spinoza des homologies de structure, relativement à leur traitement du théologico-politique ? La figure du philosophe anti-théologien n'est-elle pas constitutive d'un certain humanisme, chez l'un comme chez l'autre de ces deux auteurs ?
4/ On pourra encore prendre en compte les éléments de la pensée de Montaigne qui ont pu (c'est une hypothèse) être indirectement assimilés par Spinoza, soit par l'intermédiaire du ou des cercle(s) spinoziste(s) (avec notamment les figures de F. Van den Enden, P. Balling, S. de Vries), soit par ses lectures (celles de Descartes ou de Hobbes en particulier). Descartes constitue évidemment un point d'articulation fort entre Montaigne et Spinoza et il conviendra de lui accorder une importance particulière.
5/ Enfin, un autre aspect susceptible d'être envisagé est celui de la méthode, qui engage la relation de ces auteurs au scepticisme, ainsi que le statut de l'ordre du discours. C'est un point particulièrement difficile car il convient de passer l'épreuve de l'analyse de R. Popkin, qui fait de Montaigne un sceptique épistémologique qui laisserait intactes les sphères éthico-religieuse et politique, et qui fait de Spinoza un adversaire du scepticisme dans l'ordre épistémologique, qui accepterait cependant d'introduire dans l'ordre éthico-religieux et politique la démarche sceptique critique. Cette analyse doit bien évidemment être nuancée.
Les deux ensembles d'écueils à éviter seront sans doute, d'un côté, la projection abusive de notions étrangères à l'auteur étudié (et, plus radicalement, l'instrumentalisation de cet auteur à des fins qui lui sont étrangères), et d'un autre côté, l'absence de prise en compte du lieu à partir duquel on commente un texte (ainsi que, dans une même perspective, l'absence de prise en compte d'une utilité philosophique actuelle de l'auteur commenté). - Il demeure en tout cas pertinent, nous semble-t-il, de convoquer le paradigme althussérien, comme un cadre conceptuel général qui donne certains traits à l'humanisme (comme affirmation de l'homme individuel et générique reconnu maître de ses pensées et de ses actes), pour interroger Montaigne et Spinoza et voir ainsi dans quelle mesure leurs pensées entrent ou non dans un tel cadre ; mais aussi pour voir si, dans leur façon de sortir de ce cadre ou d'y entrer, il n'existe pas entre eux certaines homologies de structure.
Bien évidemment, la manière dont Althusser lui-même conceptualise l'humanisme peut être mise en question, ou enrichie, à partir d'autres conceptions de cette tendance philosophique (d'autres critères pouvant intervenir pour la caractériser). Ce qui revient, pour notre sujet, à nous demander, au-delà d'Althusser : de quels humanismes et/ou de quels anti-humanismes nos deux auteurs relèvent-ils ?
Cette journée ne prétend évidemment pas, même thématiquement, couvrir l'ensemble des axes possibles de comparaison de nos auteurs, et même dans la seule perspective de l'opposition entre humanisme et anti-humanisme.
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Mis à jour le 05 mai 2010