Socialismes, séminaire 2012-2013




La moindre référence à la nécessité d’une transformation radicale de la société suscite  trois interrogations principales : pourquoi faudrait-il s’engager dans cette transformation, qui assumera cette lourde tâche et finalement, comment faire ? Pour répondre à la première question, le socialisme, depuis ses origines, a développé des outils originaux, que les sciences sociales lui ont du reste souvent emprunté. À la deuxième question, héritée de l’expérience de la révolution française, il répondit le peuple, et à la troisième, l’association. Mais ce socialisme fut changé plus vite que la société qu’il était censé transformer. Et nombreux sont ceux qui estiment aujourd’hui que le socialisme est passé de l’utopie des débuts à une réalité qui l’a invalidé, et qu’il a désormais terminé sa carrière révolutionnaire dans les poubelles de l’histoire.

Ce constat, ainsi que l’unité prétendue des théories et des pratiques socialistes sur lequel il s’appuie, n’a cependant rien d’évident. On notera tout d’abord que le vocable « socialisme » n’a jamais cessé de se manifester dans la phraséologie politique, quoique sous des acceptations distinctes (partis socialistes, internationale socialiste, gauche socialiste, socialisme révolutionnaire, etc.) qui toutes entretiennent des rapports pour le moins problématiques au « socialisme réel » et à la réalité du capitalisme contemporain. Si le vocable de « socialisme » a fait l’objet d’une double dévaluation, suite à la chute et à la condamnation du « socialisme réellement existant », d’une part, et à l’intégration consommée des partis sociaux-démocrates à la gestion du capitalisme, d’autre part, c’est donc, plus profondément, que l’idée de socialisme, non moins que la réalité du capitalisme, est aujourd’hui entrée en « crise ». C’est dans ce contexte que nous proposons d’interroger la pluralité des théories, pratiques et forces sociales qui se sont pensé ou se pensent encore comme socialistes. En ce sens, il paraît pertinent de ne pas considérer que « le socialisme a échoué » ou que « le socialisme a évolué », mais plutôt d’envisager la manière dont les définitions et les pratiques de socialismes pluriels et irréductibles les uns aux autres n’ont cessé de se transformer, y compris dans les deux dernières décennies.

Dans cette perspective, il est possible d’interroger à nouveaux frais les grandes questions qui n’ont cessé de préoccuper et de diviser les traditions socialistes: « Le socialisme » doit-il s’appuyer sur une transformation ou une abolition du capitalisme, de la propriété privée, du marché, peut-il être républicain, est-il nécessairement collectiviste,  réformiste ou révolutionnaire, étatiste ou anarchique, individualiste ou holiste, réaliste ou utopiste ? On ne saurait cependant s’en tenir à une confrontation ou à une redéfinitions des différentes formes de socialisme. A être trop préoccupés par son -isme, le risque est grand, en effet, d’oublier son radical: le social. Or ce dernier ne peut se comprendre dans sa seule forme verbale, la société étant avant tout constituée par des actions, par la mise en connexion, l’association et la conflictualité pratiques d’individus et de collectifs.

Plutôt, donc, qu’à une redéfinition du socialisme ou à la promotion d’une nouvelle pratique politique, ce séminaire vise donc à interroger, à travers l’analyse de concepts et de pratiques concrètes, passées ou actuelles, cette pratique de l’expérimentation, de la mise en association et de la coopération sociales qu’ont cherché, et continuent à chercher, les différentes formes de socialisme.

Ce questionnement devra certes s’appuyer sur les socialismes du XIXe siècle, afin de pouvoir dégager les éléments qui pourraient contribuer à la reconstruction du débat social et à la possibilité d’actualiser les problèmes et les concepts politiques promus par les socialismes. Ceux-ci semblent toujours avoir posé la question sociale sur son terrain naturel, celui de l’expérimentation. Ce sont d’ailleurs le plus souvent des expérimentations socialistes qui se sont trouvés à l’origine des outils dont bénéficie aujourd’hui la société civile et ouvrière. Les coopératives, le syndicalisme, les mutuelles, la gratuité du crédit, la bourse du travail, l’éducation populaire,  autant d’outils qui se sont construits au sein des traditions socialistes et qui visent à l’amélioration immédiate de la situation matérielle des dominés. La connaissance, la problématisation et l’évaluation de ces cadres (sociaux, politiques et juridiques) d’action, dont l’histoire et l’actualité sont souvent méconnus ou méprisés, nous paraissent ainsi à même de préciser et d’enrichir nombre de débats contemporains (souvent byzantins) sur la démocratie.

Le questionnement collectif de la pluralité des théories, des traditions et des pratiques socialistes, pourrait ainsi inviter à élaborer, loin d’une illusoire formule de fusion, des instruments de description et de critique de cette richesse théorique et pratique, et contribuer ainsi à la recherche d’un nouveau paradigme social qui, en ce moment historique crucial, semble être urgent. C’est pour cela que nous proposons, non pas de définir le socialisme, mais de parcourir les socialismes, dans la perspective, s’il nous est permis de proposer un tel horizon à ce séminaire, de constituer collectivement les éléments d’une « critique de la raison socialiste », qui nous semble indispensable aujourd’hui.

Ce séminaire aura lieu tous les mois, à partir de décembre 2012, et fera alterner des séances thématiques et des séances de discussion sans programme. Ce séminaire est ouvert à tou-t-es.

Séminaire organisé par les laboratoires Sophiapol (Université Université Paris Nanterre) et Logiques de l’agir (Université de Franche-Comté)

Comité d’organisation :
Robert Damien

Frédéric Brahami
Alexis Cukier
Nikos Maroupas
Frédéric Monferrand

Lieu:
Université Université Paris Nanterre
bâtiment D, salle 201b, sauf séance du 21 mai (D309)
Comment venir ? par le train et le RER
Plan du campus de Université Paris Nanterre

Programme

Mardi 11 décembre 2012, 14h à 17h
Socialisme et sciences sociales (I) : La fabrique du social

Frédéric Brahami (UFC, Logiques de l’agir)
L’émergence conjointe des sciences sociales et du socialisme français

Pierre Crétois (Lyon-II, Lire)
Durkheim et son influence sur le socialisme

Thomas Boccon-Gibod (Université Université Paris Nanterre, Sophiapol)
Le socialisme juridique à l’orée du XXe siècle
Discutant : Christian Lazzeri

Présentation détaillée


Mardi 29 janvier 2013, 14h à 17h

Socialisme et éducation

Hughes Lenoir (Université Université Paris Nanterre)
Principes et réalisations en pédagogie libertaire

Guy Dreux (Institut de la FSU)
Jaurès et l’éducation

Alexis Baillon (Université Paris-V)
Comment éduquer devient coopérer à l’aune de la transformation sociale

Présentation détaillée


Mardi 26 mars 2013, 14h à 17h
Le socialisme et la question du pouvoir (I)

Edward Castleton (Université de Franche-Comté, Logiques de l’agir)
Peut-on se passer d’un chef ? Proudhon et la monarchie

Arnault Skornicki (Université Université Paris Nanterre, GAP)
Y a-t-il une gouvernementalité socialiste ?

Présentation détaillée


Mardi 4 juin 2013, 14 à 17h, salle D309
Socialisme et propriété (I)

Frédéric BRAHAMI (Université de Franche-Comté, Logiques de l’agir)
L’héritage chez les héritiers de Saint-Simon

Robert DAMIEN (Université Université Paris Nanterre, Sophiapol)
Proudhon, le noyau dur de l’appropriation: le nous producteur

Présentation détaillée


Prochaines séances :

Mardi 18 juin 2013, 14 à 17h

Mis à jour le 31 mai 2013